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Le dépaysement est total.
Je suis en forêt, les oiseaux chantent une douce mélodie qui rappelle le printemps dont on ressent la douce présence.
Au loin j'entends le bruit d'une cascade, le son de l'eau fraîche qui frappe contre le roc, l'eau pure et naturelle, douce et sans doute glaciale.
Mes pieds nus profitent de l'agréable sensation que procure l'herbe sauvage qu'ils foulent et un soleil radieux éclaire la petite clairière où je me trouve, un soleil éclatant, chaleureux et lumineux.
Mon odorat profite également des senteurs qui se dégagent de la nature environnante, du pin tout jeune, de ce hêtre aux feuilles couleurs émeraude, et de ce chêne si sauvage et si ancien, celui qui s'élance énorme et massif vers les nuages argentés, celui qui depuis des centaines années demeure le doyen de la forêt et semble en être le gardien, celui qui semblait vouloir demeurer ici éternellement.
La liste de toutes ces plantes qui mêlaient leur parfum si différents les uns des autres et qui donnaient au lieux cette senteur sauvage inimitable et incomparable, cette liste là était tout simplement énorme, il y avait un pommier, le terrier d'un renard, des roses sauvages, des tulipes colorés et diverses, de la lavande fraîche, et encore des centaines et des centaines d'autres sources odorantes tous plus intéressantes les unes que les autres; des milliers d'odeurs différentes et inimaginables et la terre elle même participait à l'élaboration de ce doux parfum qui insufflait joie et courage à celui qui le respirait.
Je lève les yeux au ciel, quelques maigres nuages d'un blanc cristallin viennent parsemer ce ciel clair et immaculé sans aucun équivalent. Je fais quelques pas et remarque un écureuil perché sur une branche, immobile. Les oiseaux continuent de se faire entendre mais, à leurs chants, se mêle le barrissement d'un cerf nomade et sauvage, je souris, je me sens libre, à l'abri de mon quotidien, je me sens en vie et ampli de ce sentiment de délivrance envers toute obligation.
La nuit est tombée, j'effleure le tronc du chêne centenaire, ce tronc énorme à l'écorce ancienne qui, lorsque le soleil l'éclairait de sa lueur si chaleureuse, prenait une douce couleur dorée mais qui la nuit tombait devenait couleur de jais. A côté de ce doyen je me sens bien jeune et bien petit, insignifiant mais vivant, un peu comme une fourmis à côté d'un pachyderme...
Au dessus de moi je vois la lune qui brille, haute, claire, argentée et pleine...
Naturelle.
Aux loin, les oiseaux se sont tus, remplacés par des loups, des loups qui hurlent du même hurlement en choeur et qui cherchent à démontrer au monde que malgré les apparences ils ne sont pas tous seuls et isolés, qu'ils sont unis par les liens du sang, qu'importe le lieux où ils se trouvent...
Je connais cette mélodie qu'ils semblent interpréter, enfin... celle que cet unique loup tente à lui seul de réitérer de son hurlement rauque et emprunt à la marque de la vieillesse.
Mes yeux se ferment, je sens autours de moi une plaine, mais hélas le vent n'est pas de la partie.
Je rouvre les yeux, une voix à côté de moi ne cesse de me demander la même chose :
– Alors, alors, comment c'était ?
Je lève les yeux, les lumières s'éteignent, mais les étoiles resteront invisibles je donne une pièce au gamin et lui rend ce qu'il m'a prêté, je pivote sur mes talons, tente de me remémorer une dernière fois l'image de ce soleil éclatant, et décide finalement de lui répondre :
– Bof, ça ne remplacera jamais notre passé... mais dépêche toi de rentrer, le couvre-feu est proche.
Puis, sans lui laisser le temps de répondre, je donne un coup de pied dans une canette vide qui finit au fond d'un caniveau, et me dirige vers mon appartement, une vieille maison en béton armé construite à côté d'une énorme souche d'un ancien arbre... abattus depuis des années.
Au loin j'entends des sirènes, la police sillonne déjà les lieux... l'odeur des fleurs est devenue odeur de poubelle, et le sol si doux un simple amas de boue; pourtant moi, je n'oublierai jamais notre passé.
Lun 14 Sep - 18:06